Ostéoporose : comprendre, prévenir et agir

L’ostéoporose affaiblit silencieusement la structure osseuse et augmente le risque de fracture, notamment après 50 ans. Elle concerne surtout les femmes après la ménopause, mais aussi les hommes, souvent plus tardivement. La bonne nouvelle : on peut agir. Comprendre ce qui fragilise l’os, adapter son mode de vie, corriger les carences et, si besoin, envisager un traitement permet de réduire le risque de fracture et de préserver sa mobilité. Cet article fait le point, de façon claire et pratique, sur les repères fiables pour s’informer avant de consulter.

Qu’est-ce que l’ostéoporose ?

Différence avec l’ostéopénie

L’ostéoporose correspond à une baisse de la densité minérale et une altération de la micro-architecture osseuse qui augmentent la fragilité de l’os. Elle est généralement définie par un T-score ≤ -2,5 à la densitométrie (DXA). L’ostéopénie est un stade intermédiaire (T-score entre -1 et -2,5) qui signale un risque accru, sans être une maladie fracturaire en soi. On peut donc avoir une ostéopénie et ne jamais fracturer… ou au contraire, selon le contexte (âge, chutes, médicaments), être à risque malgré une DMO pas très basse.

Comment elle fragilise l’os

L’os est vivant : il se renouvelle en permanence grâce à un équilibre entre résorption (ostéoclastes) et formation (ostéoblastes). À la ménopause, la chute des œstrogènes accélère la résorption. Avec l’âge, la formation osseuse ralentit. Résultat : perte de densité, amincissement des travées osseuses, micro-fissures moins bien réparées. Les vertèbres, le col du fémur et le poignet sont des sites particulièrement exposés. Cette fragilité n’entraîne pas forcément de douleur au repos, d’où l’intérêt du dépistage ciblé.

Signes, diagnostic et quand consulter

Symptômes à surveiller

L’ostéoporose est souvent silencieuse jusqu’à la première fracture dite « de fragilité » (chute de sa hauteur, faux mouvement). Des douleurs dorsales inexpliquées, une perte de taille progressive ou une cyphose (dos qui s’arrondit) peuvent évoquer des fractures vertébrales tassement. Toute fracture après 50 ans, non liée à un traumatisme majeur, doit faire rechercher une ostéoporose.

Examens : densitométrie (DXA), FRAX, bilan sanguin

  • Densitométrie (DXA) : mesure la densité minérale osseuse au rachis lombaire et à la hanche. Le T-score compare à un adulte jeune. On parle d’ostéoporose si T-score ≤ -2,5. Chez les moins de 50 ans, on utilise plutôt le Z-score (comparaison à l’âge).
  • FRAX : outil qui estime le risque de fracture à 10 ans en intégrant l’âge, le sexe, les antécédents personnels et familiaux, le tabac, l’alcool, certains traitements, avec ou sans DMO.
  • Bilan sanguin : utile pour rechercher une cause secondaire (vitamine D basse, troubles thyroïdiens, hyperparathyroïdie, insuffisance rénale…), vérifier le calcium et les marqueurs d’os selon les cas.

Critères de sévérité et fractures

Une fracture de hanche ou de vertèbre non traumatique suffit souvent à poser l’indication d’un traitement spécifique, quel que soit le T-score. On parle d’ostéoporose sévère en cas de fractures multiples ou d’une fracture majeure associée à une DMO très basse. L’évaluation intègre l’âge, le risque de chute, la corticothérapie prolongée et les comorbidités pour adapter la prise en charge.

Facteurs de risque modifiables et non modifiables

Âge, sexe, antécédents familiaux, ménopause

  • L’âge est le principal facteur : la qualité osseuse baisse progressivement.
  • Le sexe féminin est plus exposé après la ménopause du fait de la chute des œstrogènes.
  • Les antécédents familiaux de fracture de hanche augmentent le risque.
  • Une ménopause précoce (avant 45 ans) ou une aménorrhée prolongée sont des facteurs aggravants.

Médicaments et maladies associées

Certaines pathologies et traitements favorisent la perte osseuse :

  • Corticoïdes au long cours : hyperthyroïdie : hyperparathyroïdie : malabsorption (maladie cœliaque, MICI) : insuffisance rénale : maladies inflammatoires chroniques : hypogonadisme.
  • Médicaments : inhibiteurs de l’aromatase, certains anti-androgènes, antiépileptiques, inhibiteurs de la pompe à protons au long cours (discussion), héparines prolongées. En cas de doute, il est conseillé d’en parler au médecin.

Mode de vie : sédentarité, tabac, alcool, carences

La sédentarité, un faible apport en calcium et protéines, le tabagisme et un excès d’alcool participent à la fragilisation. L’insuffisance en vitamine D est fréquente, surtout en hiver et chez les personnes peu exposées au soleil. À l’inverse, rester actif, manger suffisamment et limiter les toxiques soutient la santé osseuse à tout âge.

Prévention au quotidien : mouvement, nutrition et soleil

Activité physique sûre : renforcement, impact modéré, équilibre

Le mouvement donne un « signal » à l’os. Les activités portées par le poids du corps (marche rapide, montée d’escaliers, danse, tai-chi) et le renforcement musculaire 2 à 3 fois/semaine peuvent aider à maintenir la DMO. L’impact doit être modéré et adapté : petits sauts ou pas chassés si l’équilibre le permet, sinon travail en charge sans saut. Un programme d’équilibre et de proprioception (tai-chi, exercices sur un pied, ateliers de prévention des chutes) diminue le risque de chuter. Après fracture, l’avis d’un professionnel (kinésithérapeute) oriente vers des exercices sécurisés.

Alimentation riche en calcium et protéines

L’organisme a besoin de calcium et d’acides aminés pour renouveler l’os. En France, les apports nutritionnels conseillés en calcium chez l’adulte tournent autour de 900–1000 mg/jour (un peu plus chez la personne âgée, selon les repères). On peut viser 2 à 3 portions quotidiennes de sources calciques : produits laitiers, eaux minérales riches en calcium, amandes, choux, brocoli, sardines avec arêtes, tofu au calcium. Un apport protéique suffisant (environ 1 g/kg/j chez la personne âgée sauf contre-indication) soutient la masse musculaire et l’équilibre, donc la prévention des chutes. L’hydratation, les fruits et légumes (potassium, magnésium) contribuent à un environnement osseux favorable.

Vitamine D, K2 et magnésium : ce que disent les données

  • Vitamine D : elle facilite l’absorption du calcium. Une insuffisance est fréquente en climat tempéré. Le dosage sanguin (25-OH vitamine D) permet d’adapter une supplémentation si nécessaire, sous conseil médical. De nombreuses recommandations suggèrent d’atteindre un taux suffisant (souvent autour de 20–30 ng/mL), les modalités variant selon l’âge et les comorbidités.
  • Vitamine K2 : quelques études suggèrent un intérêt potentiel sur certains marqueurs osseux, mais les preuves restent hétérogènes pour la fracture. Elle peut interagir avec les anticoagulants (antivitamines K) : avis médical indispensable.
  • Magnésium : un statut adéquat participe au métabolisme osseux. On le trouve dans les oléagineux, les légumes verts, les légumineuses et certaines eaux minérales. En cas de complément, privilégier des doses modérées et signaler tout traitement en cours.

Prévention des chutes à la maison

La meilleure « thérapie » anti-fracture reste d’éviter la chute. Quelques mesures concrètes :

  • Éclairer les zones de passage, enlever les tapis qui glissent, fixer les fils au sol.
  • Installer des barres d’appui dans la salle de bain, un tapis antidérapant dans la douche.
  • Choisir des chaussures stables, talon bas, semelle antidérapante.
  • Faire contrôler la vue et l’audition, revoir les médicaments sédatifs avec le médecin.
  • En extérieur, utiliser une canne si conseillée, éviter les sols verglacés et porter des semelles adaptées.

Prise en charge : approches médicales et naturelles

Médicaments antirésorptifs et anaboliques : indications, durée, surveillance

Selon le risque fracturaire (fracture antérieure, FRAX élevé, DMO très basse), un traitement peut être proposé :

  • Antirésorptifs : bisphosphonates (alendronate, risédronate, acide zolédronique) ou denosumab limitent la résorption. La durée est souvent de 3 à 5 ans pour les bisphosphonates, avec réévaluation et parfois « pause » selon le profil. Le denosumab nécessite une continuité stricte et une transition planifiée pour éviter un rebond de résorption.
  • Anaboliques : tériparatide, abaloparatide et romosozumab (selon disponibilité) stimulent la formation osseuse chez les sujets à haut risque ou en cas d’échecs/contre-indications. Ils sont prescrits pour des durées limitées puis relayés par un antirésorptif.

La surveillance inclut l’évaluation du calcium/vitamine D, la santé dentaire (risque rare d’ostéonécrose de la mâchoire), la fonction rénale pour certains médicaments, et la tolérance. Les bénéfices et risques sont discutés au cas par cas avec le médecin.

Gestion de la douleur et rééducation

L’ostéoporose n’est pas douloureuse en soi, mais les fractures le sont. Le soulagement peut passer par des antalgiques simples (paracétamol) et, à court terme, des anti-inflammatoires si indiqués. Les opioïdes ne sont pas une solution durable. La kinésithérapie aide à récupérer la mobilité, renforcer les muscles paravertébraux, améliorer la posture et l’équilibre. Des orthèses ou corsets peuvent être proposés temporairement après une fracture vertébrale. La reprise d’activité se fait progressivement, en privilégiant la sécurité et la régularité plutôt que l’intensité.

Compléments et plantes : intérêt, prudence, interactions

  • Calcium et vitamine D : utiles si les apports alimentaires ou l’ensoleillement sont insuffisants. Le bénéfice est plus net chez les personnes carencées ou institutionnalisées. Il est recommandé d’ajuster les doses avec un professionnel pour éviter les excès.
  • Oméga-3, collagène, silicium, prêle, isoflavones de soja : quelques données suggèrent un effet sur des marqueurs osseux ou sur le confort articulaire, mais les preuves sur la réduction des fractures sont limitées. Prudence avec les phytoœstrogènes (soja) en cas d’antécédents hormonodépendants, et avec la prêle ou certaines plantes diurétiques chez les personnes sous traitements.
  • Interactions : anticoagulants, antiagrégants, thyroïdiens, hypoglycémiants… tout complément devrait être déclaré au médecin ou au pharmacien. Les résultats varient d’une personne à l’autre.

Plan d’action personnalisé

Évaluer son risque et fixer des objectifs

Première étape : connaître son profil. A-t-on déjà eu une fracture de fragilité ? Quel est l’âge, le statut ménopausique, les antécédents familiaux ? Fume-t-on, bouge-t-on suffisamment ? Un FRAX, une DXA, un bilan vitaminique peuvent aider à situer le risque. Ensuite, on fixe des objectifs réalistes : marcher 30 minutes 5 jours/semaine, intégrer 2 séances de renforcement, atteindre 900–1000 mg de calcium/j via l’alimentation, vérifier la vitamine D à la saison sombre.

Suivi : DMO, marqueurs, adhésion

Le suivi permet d’ajuster la stratégie :

  • Densitométrie : tous les 1 à 2 ans selon le risque et le traitement en cours.
  • Marqueurs de remodelage (CTX, P1NP) : parfois utilisés pour évaluer la réponse thérapeutique.
  • Adhésion : la régularité des prises et des exercices compte autant que la prescription. Un calendrier simple, un pilulier ou une application de rappel peuvent aider.

Adapter à l’âge, à la ménopause et aux comorbidités

Chez la personne très âgée, la priorité est la prévention des chutes, la force musculaire, la vision et l’environnement domestique. À la ménopause récente, l’activité physique et les apports nutritionnels posent des bases solides : un traitement peut être discuté si le risque est élevé. En cas de comorbidités (insuffisance rénale, maladies digestives, cancer, traitements hormonaux), la stratégie est individualisée avec les spécialistes concernés.

Conclusion

Préserver son capital osseux est un projet au long cours. Une hygiène de vie active, des apports nutritionnels suffisants et la correction des carences posent un socle solide. Lorsqu’un traitement est indiqué, il s’intègre à un plan global visant aussi l’équilibre et la prévention des chutes. Il n’existe pas de solution unique : l’approche la plus sûre est personnalisée, réévaluée régulièrement et coordonnée avec son médecin.

Avertissement

Cet article est informatif et ne remplace pas l’avis d’un professionnel de santé. En cas de douleur persistante, de traitement en cours ou de pathologie articulaire, il est recommandé de consulter un médecin ou un rhumatologue.

Sources et références

  • Haute Autorité de Santé (HAS). Stratégies de prévention des fractures liées à l’ostéoporose post-ménopausique.
  • ANSES. Apports nutritionnels conseillés et repères alimentaires (calcium, vitamine D, protéines).
  • OMS. Évaluation du risque fracturaire et outil FRAX.
  • Society for Endocrinology/Endocrine Society. Guidelines on pharmacological management of osteoporosis (bisphosphonates, denosumab, anabolics).
  • Inserm. Dossiers d’expertise collective sur l’ostéoporose et l’activité physique.
  • Revues systématiques/méta-analyses récentes sur l’exercice, la vitamine D, la prévention des chutes et les traitements anti-ostéoporotiques (Cochrane, BMJ, NEJM).

Points clés

  • L’ostéoporose correspond à une baisse de DMO (T-score ≤ −2,5) qui fragilise les vertèbres, la hanche et le poignet, tandis que l’ostéopénie signale un risque accru sans fracture obligatoire.
  • Toute fracture de fragilité après 50 ans doit faire rechercher une ostéoporose, avec une évaluation par DXA, FRAX et bilan sanguin des causes secondaires.
  • Bougez régulièrement : activités en charge et renforcement 2–3 fois/semaine, travail de l’équilibre et aménagements anti-chute à domicile réduisent nettement le risque de fracture.
  • Visez 900–1000 mg de calcium par jour, un apport protéique suffisant et une vitamine D adaptée au dosage pour soutenir l’os et la masse musculaire.
  • Selon le risque, antirésorptifs (bisphosphonates, denosumab) ou anaboliques peuvent être proposés, avec surveillance (calcium/vitamine D, dentaire) et suivi de la DMO tous les 1–2 ans dans un plan personnalisé.

Foire aux questions

Qu’est-ce que l’ostéoporose et en quoi diffère-t-elle de l’ostéopénie ?

L’ostéoporose correspond à une baisse de densité minérale et une altération de la micro‑architecture osseuse, définies en général par un T‑score ≤ −2,5 à la DXA. L’ostéopénie est un stade intermédiaire (T‑score entre −1 et −2,5) signalant un risque accru, sans fracture obligatoire. Le contexte (âge, chutes, traitements) fait la différence de risque.

Quand faire une densitométrie osseuse (DXA) et comment interpréter le T‑score ?

Une DXA est indiquée en cas de fracture après 50 ans, de ménopause avec facteurs de risque, de corticothérapie prolongée ou d’antécédents familiaux. Le T‑score compare à un adulte jeune (≤ −2,5 : ostéoporose). Avant 50 ans, on privilégie le Z‑score. L’outil FRAX complète l’estimation du risque fracturaire à 10 ans.

Quels exercices faire ou éviter en cas d’ostéoporose ?

Privilégiez les activités en charge (marche rapide, escaliers, danse), le renforcement 2–3 fois/semaine et le travail d’équilibre (tai‑chi, proprioception). Évitez les impacts élevés si risque de chute et les flexions/rotations extrêmes du rachis, surtout après fractures vertébrales. Un kinésithérapeute peut adapter un programme progressif et sécurisé.

Quels apports en calcium et vitamine D viser, et faut-il se supplémenter ?

Visez 900–1000 mg/j de calcium via l’alimentation (laitages, eaux calciques, choux, amandes, sardines) et un apport protéique suffisant. La vitamine D doit être suffisante (souvent 20–30 ng/mL). La supplémentation se fait selon le dosage sanguin et l’avis médical. Vitamine K2 : données hétérogènes et interactions avec antivitamines K.

Quels sont les traitements de l’ostéoporose et combien de temps durent-ils ?

Selon le risque, on propose des antirésorptifs (bisphosphonates 3–5 ans avec réévaluation; denosumab en continuité avec transition planifiée) ou des anaboliques (tériparatide/romosozumab) pour les hauts risques, relayés ensuite. Suivi du calcium/vitamine D, santé dentaire et fonction rénale selon les molécules. La stratégie est personnalisée.

L’hormonothérapie de la ménopause aide‑t‑elle à prévenir l’ostéoporose ?

Le traitement hormonal de la ménopause réduit la perte osseuse et le risque fracturaire chez certaines femmes récemment ménopausées, surtout en cas de symptômes vasomoteurs. Il n’est pas recommandé comme première intention uniquement pour prévenir l’ostéoporose. Bénéfices/risques (thrombo‑emboliques, mammaires selon profils) doivent être discutés médicalement.